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400 000 normes !!!

Il ne faut pas se fier aux apparences. Le livre de Philippe Eliakim, intitulé Absurdité à la française (Robert Laffont, 2013), n’est pas un brûlot anti-normes mais bien une "enquête sur ces normes qui nous tyrannisent ou encore un voyage au "pays des fous" selon les termes de l’auteur, également rédacteur en chef adjoint du magazine Capital.

Dès les premières pages, Philippe Eliakim affiche une position claire et rappelle le caractère utile et indispensable des normes : "Que serions-nous sans elles ? Une jungle où tout serait permis, un monde de cauchemar où les avions s’écraseraient en bout de piste, où nos enfants ne seraient pas en sécurité dans les crèches, et où – misère des misères – nous ne pourrions même pas brancher nos chargeurs d’ordinateur, car les prises de courant auraient des écartements changeants. Il est vrai que nous nous en ficherions, car nous serions tous morts écrasés aux carrefours dont les feux rouges fonctionneraient au petit bonheur…".

Dans son ouvrage argumenté, Philippe Eliakim dénonce la surenchère, l’absurdité et la tyrannie des normes dans notre pays. L’auteur énumère des chiffres édifiants :
400 000 règles et contraintes de tous ordres disséminées dans 22 334 articles de loi, 137 219 articles de décret et dans des dizaines de milliers d’autres textes réglementaires de toute nature répartis dans 64 codes. Montaigne l’affirmait déjà au 16e siècle : "Il y a autant de lois en France que dans le monde entier". Dans un tel labyrinthe normatif, la rationalité ne peut être au rendez-vous et les aberrations foisonnent.

"Imagine-t-on que des dizaines de piscines publiques installées en milieu rural vont bientôt être acculées à la fermeture car la surface de leur cafétéria est inférieure au minimum légal. Les nageurs n’auront qu’à faire des longueurs dans leur baignoire" ; un exemple parmi tant d’autres dans le secteur Sports&loisirs fourni par Philippe Eliakim. C’est d’ailleurs un équipement sportif de la banlieue parisienne qui est à l’origine du livre. "Tout a commencé dans un gymnase. Un beau gymnase, avec un parquet impeccable, des gradins impeccables, des vestiaires impeccables, et une salle d’escrime équipée d’un système électrique, comme aux Jeux Olympiques", explique Philippe Eliakim. Cet équipement parfaitement sécurisé a dû être détruit car les normes ont changé : les gymnases ne peuvent plus être en sous-sol ! Kafka n’est pas loin…


Philippe Eliakim donne au lecteur des pistes d’explications sur cette surenchère des normes. "Notre société est devenue frileuse, peureuse, paralysée par l’obsession de prévenir tous les aléas", explique Jean-Claude Boulard, maire du Mans et sénateur de la Sarthe et Alain Lambert, président du Conseil départemental de l’Orne dans leur rapport sur la lutte contre l’inflation normative de mars 2013. Et l’auteur d’ajouter : "L’inscription en février 2005 du principe de précaution dans la Constitution, c’est-à-dire au plus haut niveau des règles qui nous régissent, symbolise parfaitement ce changement d’époque. Et les réactions d’hystérie collective déclenchées dans tout le pays début 2013 par la découverte de viande de cheval dans quelques boîtes de raviolis viennent encore le confirmer…". L’auteur cite le philosophe François Ewald qui va dans le même sens : "Il faut bien voir que, dans une conjoncture de précaution, les politiques ne gèrent pas seulement le risque objectif, difficile à établir scientifiquement en raison du manque de connaissances, mais aussi le risque subjectif, créé par l’imaginaire collectif autour de la menace".
Des propos et un livre toujours d’actualité plus de deux ans après sa sortie.

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